D’un point de vue comptable, la classification basique des investisseurs
est assez simple et répond à une logique dichotomique imparable : il y a ceux qui gagnent et ceux perdent.
Selon le principe de la partie double, la comptabilité conclura également que les gagnants ont gagné ce que les perdants ont perdu, de façon tout aussi
implacable et mathématique, n’en déplaise à certains esprits obstinés qui croient qu’il existe en Bourse une espèce de sacro sainte magie qui crée de
la valeur spontanément sans contrepartie.
Dépassons cette dualité simpliste pour nous intéresser à la catégorisation stricto sensu des investisseurs et non du résultat de
leur activité de trading.
Cette catégorisation des investisseurs a été rendue obligatoire en 2007 par la Directive européenne relative aux marchés pour les instruments
financiers (Markets in Financial Instruments Directive alias MiFID) pour offrir un cadre plus sécurisant aux investisseurs.
Elle se fait généralement grâce à un petit questionnaire qui permet d’estimer en quelques minutes le niveau de connaissance de l’investisseur, les
moyens financiers dont il dispose et son projet d’investissement, son contexte.
Toutes les banques et les courtiers déterminent désormais un profil d'investisseur.
Le questionnaire profil investisseur est obligatoire
Ce profil est important car il va avoir un impact sur la nature des produits et des types de placements qui vous seront proposés par votre conseiller.
A partir de ses réponses, l’investisseur est catégorisé dans l’une des 5 catégories ci-dessous.
Même si les terminologies diffèrent légèrement, l’esprit est toujours le même quel que soit l’établissement qui vous aura soumis ce questionnaire.
Nous allons nous efforcer dans un premier temps de retranscrire cet esprit, même si comme nous le verrons par la suite, il peut amener à des conclusions
erronées.
Les catégories politiquement correctes
Défensif ou conservateur
L'investisseur très risquophobe a un « profil Défensif ». Il choisit toujours des investissements qui fournissent un rendement très limité mais
stable, ou du moins qui lui ont été présentés comme tes sur le passé. Le portefeuille type Défensif se compose presque exclusivement de bons de
caisse, d'obligations, de fonds monétaires et obligataires ou de placements avec protection de capital. Les actions sont catégoriquement bannies.
Pour ce type de profil, l'horizon d'investissement s'élève à 2 ans au moins.
Faible ou défensif
Ce genre d’investisseur est légèrement plus risquophile ; il est prêt à s’accorder quelques instants de folie en investissant avec parcimonie
sur certaines actions, des grosses capitalisations de préférence. On trouve dans ce genre de portefeuille environ ⅔ d’obligations et ⅓ d’actions
maximum.
La période de détention minimale recommandée est en général de l’ordre de 4 ans.
Moyen ou neutre
Cet investisseur ne veut pas se contenter d’un rendement proche de celui du Livret A, et il a conscience que pour booster ce rendement, il va
falloir prendre plus de risques, donc accepter une exposition aux actions relativement importante. Son portefeuille sera investi en moyenne à
50 % sur des obligations, avec environ 45 % d'actions et environ 5% d'immobilier.
L'horizon d'investissement recommandé est d’au moins 5 ans.
Elevé ou dynamique
Le ratio sécurité / rendement est inversé pour cet investisseur qui privilégie la performance à la stabilité. Il sait que performance rime avec
volatilité mais il n’a pas peur de prendre de risques.
Le portefeuille type se compose d'environ 30 % d'obligations, de 63 % d'actions et de 7 % d'immobilier.
D’importantes fluctuations de la valeur du portefeuille, à la baisse comme à la hausse, sont possibles.
Il sera conseillé à cet investisseurs de conserver son portefeuille au moins 7 ans.
Dynamique ou agressif
C’est le profil d’investisseur le plus risquophile : il veut du rendement avant tout ! Peu importe que son portefeuille boursier perde 50 %
en un an, tant que sur le long terme il sait qu’il gagnera 8 % / an par exemple, les mauvaises années seront gommées par les performances
d’années fastes qui rémunèreront peut-être son portefeuille à 60 %...
Le portefeuille-type Dynamique contient presque exclusivement des actions à raison de 90% et de l'immobilier à raison de 10%.
L’horizon de placement conseillé est en général de 8 ans.
Si ce profilage apporte un réel intérêt pour le conseiller et pour le client, il n’en demeure pas moins qu’il peut faire naître certaines incompréhensions voire quelques désillusions auprès d’un public néophyte.
Les vraies catégories politiquement incorrectes
Le joueur
C’est la catégorie d’investisseur qui dure le moins longtemps en bourse et qui perd le plus. Il joue en bourse comme au casino, sur un coup de
tête, un bon feeling. Il n’hésite pas à appliquer des martingales, qui ont fait la ruine de milliers de joueurs...
Adepte des produits dérivés et à fort levier type turbo et options binaires, il peut jouer sans compter et dévier vers le profil
du "joueur compulsif"... Attention, c’est une maladie, une addiction "comme une autre". Mais l’addiction à la bourse est une réalité souvent
ignorée. Si vous allez sur des sites de paris en ligne, l’autorité de régulation - l’ARJEL - leur a imposé qu’un message d’alerte soit
clairement visible "Famille, vie sociale, santé financière. Etes-vous prêt à tout miser ?" avec un lien vers http://www.joueurs-info-service.fr/ et un
numéro de téléphone. Rien de tel chez les brokers en ligne. On peut légitimement se demander pourquoi...
L’opportuniste
Il attend que le marché baisse pour acheter, les bonnes affaires se font quand tout le monde vend ! Ce n’est pas faux mais ce n’est pas
complètement vrai non plus.
"On n’achète jamais un couteau qui tombe" est son adage favori, qu’il a malheureusement du mal à appliquer en pratique.
Le bon timing en bourse est effectivement très important, et nos prévisions boursières participent d’ailleurs à fournir aux investisseurs une bonne
vision du marché et de son évolution probable sous différents horizons. Tant que certains secteurs sont encore dans le rouge, ils peuvent
potentiellement créer un effet de contagion. Mieux vaut donc attendre que toutes les prévisions soient dans le vert pour repasser à l’achat
après une bonne période de purge.
Le convaincu
Il se précipité à l’achat et moyenne ensuite à la baisse, persuadé que le marché se trompe et que c’est lui qui a raison. Il croit pouvoir lire l’avenir et être en avance sur tout le monde. C’est souvent l’inverse qui se produit. Il est en retard et souffre du syndrome de l’éternel contretemps du petit porteur, maintes fois illustré par des graphiques amusants où sont superposés l’évolution du cours d’une action et les réflexions de l’investisseur.
Je m’en foutiste
Il a investi en actions parce qu’on lui a dit de le faire. Fondamentalement il n’y accorde aucun intérêt. Il regarde ses comptes de temps en temps. Si ça monte tant mieux, si ça baisse tant pis. Il a la chance d’avoir un certain détachement par rapport l’argent, ce qui est paradoxalement une qualité essentielle pour un être un bon trader.
Le chercheur
Scientifique dans l’âme ou de formation, il veut comprendre. Il a acheté plein de formations, lu plein de livres et il est persuadé qu’il peut lui aussi gagner en bourse comme les grands gourous des marchés financiers. Il développe des théories, des super indicateurs sous Excel ou sur des logiciels boursiers comme Pro Real Time ou Ninja Trader. Seuls petits détails : il pense que la suroptimisation est un mythe ou qu’il est à l’abri ; le passage en réel est plus compliqué car de nouvelles variables entrent en compte, comme les spreads, les problèmes techniques et puis surtout, le rapport à l’argent, avec son lot de stress et d’euphorie qu’il peut générer.
Catégoriser un investisseur dans un profil type est un exercice louable sur le fond car répondant à un vrai besoin de mieux connaître le client pour mieux le conseiller, mais se révèle un exercice ardu quand le nombre de possibilités offertes est réduit à 4 ou 5 grands profils. Avant d’investir en Bourse, l’investisseur devra se poser de vraies questions qui l’aideront à comprendre sa motivation profonde et le rapport qu’il entretient avec l’argent. C’est une phase d’introspection difficile, souvent douloureuse et que donc peu de personnes auront l’honnêteté de mener jusqu’au bout. Mais c’est une étape nécessaire pour savoir vraiment quel type d’investisseur vous êtes réellement. La Bourse permet de mieux se connaître car vous serez, au final, seul responsable de vos échecs et de vos réussites.