Intuitivement la définition de "l’horizon d’investissement" peut paraître assez simple :
"c’est l’horizon de temps sur lequel je souhaite investir".
C’est une définition obvie. Car cette expression revêt en réalité plusieurs subtilités que de nombreux faquins de la finance
oublieront de vous préciser ou feront semblant de vous expliquer dans un galimatias aussi flou qu’inutile.
Voici donc l’essentiel à retenir pour vous poser les bonnes questions sur vos objectifs en matières d’investissements boursiers afin de cerner au mieux
cet élément de votre profil d'investisseur.
Durée de détention d’un actif ou durée d’exposition aux marchés ?
Deux notions très différentes sont souvent associées à l’horizon d’investissement.
La durée de détention d’un actif d’une part, et la durée d’exposition aux marchés d’autre part.
La durée de détention d’un actif correspond à la période de temps pendant laquelle vous avez un actif en votre possession. Si vous achetez l’action Total le lundi matin et que vous la revendez le vendredi soir, vous l’aurez eue en portefeuille pendant 5 jours. C’est ce qu’on appelle aussi la durée d’une position, d’un trade, ou la durée de conservation d’une ligne.
Pour autant, vous avez peut-être d’autres lignes dans votre portefeuille, que vous aviez acquises la semaine passée.
Même si votre règle de trading est par exemple de déboucler vos positions au bout de 5 jours, que vous soyez en gains ou
en pertes, vous pouvez très bien resté exposé aux marchés financiers en multipliant vos prises de positions et en renouvelant
régulièrement celles que vous venez de couper.
En jargon financier, c’est ce qu’on appelle la "rotation d’un portefeuille".
Il est donc tout à fait possible d’être investi toute l’année sur le marché actions, avec pourtant des trades qui ont une durée de vie limitée à quelques jours seulement, à condition d’avoir une gestion dynamique de son portefeuille.
Cette notion de gestion est d’une importance capitale pour la suite car nous allons voir que la définition "officielle" de l’horizon d’investissement fait une hypothèse forte : le petit porteur ne gère pas dynamiquement son portefeuille. Il achète du CAC en 1980 et le revend 30 ans plus tard. C’est un résumé volontairement réducteur mais qui a des vertus pédagogiques.
Combien de temps faut-il garder ses actions ?
Alias "combien de temps faut il garder un trade ouvert ?"
C’est LA question que de nombreux d’investisseurs se posent. Mais cette question est incomplète car la finalité n’est pas précisée.
En analysant plus finement les raisons qui poussent un investisseur à se poser cette question, 3 objectifs se dessinent :
Combien de temps faut-il conserver ses actions...
... pour toucher des dividendes ?
... pour être en gain ?
... pour ne pas être imposé sur les plus values?
Si les objectifs N°1 et N°3 appellent des réponses assez simples, la réponse à l’objectif N°2 est loin d’être évidente étant donné la complexité
des situations.
De fait, des réponses comme 1 minute, 1 jour, 1 an, 20 ans, ou jamais, peuvent se révéler parfaitement justes : tout dépend du sous-jacent sur
lequel vous avez investi... et accessoirement du sens sur lequel vous avez parié !
L’horizon d’investissement : que mesure-t-il vraiment ?
A la base, l’horizon d’investissement tente justement de répondre à l’épineuse question de savoir combien de temps un investisseur doit conserver ses actions pour espérer sortir en gains, autrement dit pour ne pas perdre (trop) d’argent.
Une définition communément admise par les financiers est d’ailleurs la suivante : l’horizon d’investissement correspond à la période au-delà de laquelle la probabilité statistique de perdre une partie de son capital est quasi nulle.
L’horizon d’investissement est donc une mesure de risque.Mais quel risque ?
- Le risque assimilé à la probabilité de réaliser une perte, qu’elle quelle soit ?
J’accepte d’avoir seulement 20 % de chance de perdre de l’argent. - Le risque exprimé en montant de la perte en capital (pour une probabilité d’occurrence donnée) ?
J’accepte de perdre au maximum 3 % de mon capital.
Le risque diminue-t-il avec le temps ?
Tout dépend de quel risque.
Si le risque est effectivement mesuré par la probabilité de sortir en perte, alors oui, le risque diminue avec le temps.
Avec un horizon de 30 ans, la probabilité de réaliser une plus value boursière est de plus de 70 % versus 55 % à 5 ans.
En revanche, si le risque est apprécié par l’investisseur comme le niveau de perte possible, alors le risque augmente avec l’horizon de placement.
En règle générale, c’est la première définition du risque qui est retenue car c’est la plus simple à appréhender.
Elle conduit du coup certains investisseurs à développer le raisonnement suivant :
Plus un actif est risqué, plus il convient de le garder longtemps pour avoir une chance de sortir en gain... On entrevoit dès lors les
dangers d’une telle conclusion sortie de son contexte et on comprend mieux l’origine de de cette méthode de gestion suicidaire qui
consiste à "moyenner à la baisse". Nombreux sont ceux qui en font l’apanage et qui se réfugient sous la bannière des "investisseurs long terme"
dès qu’ils sont en perte, et qui se rassurent en répétant sans cesse la même litanie : "En bourse sur le long terme, je suis forcément gagnant".
Oui, à condition d’avoir un portefeuille suffisamment diversifié et de ne pas renforcer des lignes déjà perdantes !
Quelques exemples classiques d’horizons d’investissements
Comme nous l’avons vu, l'horizon d'investissement, en tant que mesure du risque de perte en capital à échéance, dépend directement des classes d'actifs sur lesquelles vous investissez.
Pour un fonds actions, l'horizon d'investissement varie entre 3 ans (grosses capitalisations) et 5 ans (Capitalisations moyennes et petites).
Pour un fonds obligataire, l'horizon d'investissement se situe entre 1 an (Obligations d'Etat) et 3 ans (Obligations à forts rendements).
Pour un fonds monétaire, l'horizon d'investissement est quasi nul, de l’ordre de quelques mois.
Pourquoi cet horizon est il important... ou pas
Si vous lisez attentivement les notices d’OPCVM ou autres fonds, vous verrez qu’on y retrouve souvent une "durée de placement conseillée" ou durée de placement recommandée. Elle figure dans le Document d’Information Clé pour l’Investisseur (DICI).
Elle est souvent accompagnée de façon plus ou moins évidente d’une phrase qui dit grosso modo que si l’investisseur retire tout ou
partie de son épargne avant cette durée, il est prévenu "qu’il augmente son risque de ne pas atteindre l’objectif de performance du fonds".
Cette phrase en apparence anodine, est extrêmement puissante car elle permet :
- d’augmenter la probabilité que l’investisseur sorte en gain
- de prévenir les effets de panique des petits porteur qui seraient tentés de revendre en catastrophe leurs titres
- de minimiser la part de responsabilité du gestionnaire dans le cas où, effectivement, l’investisseur serait sorti avant la durée minimale de détention recommandée.
Comment choisir son horizon d’investissement
Au final c’est surtout la disponibilité de vos fonds qui va définir votre horizon de placement... ainsi que les risques que vous être
prêt à prendre, sachant que votre appétence au risque va nécessairement évoluer au fil des années.
Quelle part de votre patrimoine financier souhaitez-vous allouer aux placements financiers ?
Est ce que vous avez choisi de placer de l’argent en bourse pour compléter votre retraite ?
Juste pour faire fructifier votre pied de compte ?
Pour préparer le financement douloureux des études de vos chérubins ?
Des questions auxquelles il n’est pas toujours facile de répondre mais qui sont un préalable nécessaire pour s’assurer que
vous ne mettez pas en danger votre situation financière et que le placement actions répondra bien à vos attentes.
La part des actions dans un patrimoine financier et l’horizon d’investissement varient certes suivant l’aversion au risque de chacun,
suivant l’âge, la situation financière, professionnelle etc.
Mais au demeurant, il peut être intéressant de mettre en place ce qu’on appelle une "diversification temporelle", par exemple avec deux
types de portefeuilles :
- Un portefeuille long terme, qui serait placé dans un cadre fiscal avantageux, le PEA.
Il répond à un objectif à 20 / 30 ans, pour la retraite ou le financement des études des enfants. Des prises de positions sur grosses capitalisations pour assurer quelques dividendes et sur des ETF par exemple qui vous assureront une diversification intéressante à moindre coût. Quelques arbitrages dans l’année suffiront à le piloter. - Un portefeuille court terme, sur un compte titres classique.
Il peut répondre à un objectif de complément de revenu par exemple, mais il va nécessiter des arbitrages plus fréquents et donc du temps.
En résumé la répartition optimale et l’horizon optimal n’existent pas : ils doivent être adaptés à chacun et leur combinaison évolue dans le temps... Mais il faut toujours se souvenir que la performance et le risque sont corrélés. Ceux qui ont cru naïvement qu’il était possible de générer beaucoup de performance, sans aucun risque, et dans un laps de temps relativement court sont devenus clients de Bernard Madoff... Vous connaissez la suite de l’histoire !