Dans un marché organisé, les régulateurs boursiers assurent deux principales missions :
- le marché doit être propre : pas d’argent sale qui circule.
C’est plutôt le rôle de l’ACPR et de TRACFIN - le marché doit être efficient : les mêmes règles pour tout le monde, pas de manipulation de cours, par d’abus de marché ou de
délits d’initiés.
C’est plutôt le rôle de l’AMF.
Ces gardiens de l’éthique s’assurent que les règles sont en permanence bien respectées par tous les intervenants, aussi bien du côté des émetteurs, des organisateurs, que des investisseurs. C’est une tâche compliquée qui repose en réalité sur l’ensemble des intervenant accrédités, qui sont soumis à une obligation de déclaration de suspicion auprès des autorités compétentes.
Rôle et mission de l’AMF : faire respecter les bonnes pratiques
Réguler, informer et protéger : c’est par ses 3 mots que pourraient être résumés les rôles et missions de l’AMF.
L’Autorité des Marchés Financiers (AMF) est née le 1er août 2003 grâce à la la loi n° 2003-706 de sécurité financière, dans un souci de
modernisation des autorités de contrôle, de sécurité des épargnants, des assurés et des déposants.
De façon plus pragmatique, l’AMF est née de la fusion de 3 organismes :
- la Commission des Opérations de Bourse (COB),
- le Conseil des Marchés Financiers (CMF),
- le Conseil de Discipline de la Gestion Financière (CDGF).
Sa mission principale est donnée par l’Article L621-1 du Code monétaire et financier :
"L'Autorité des marchés financiers, autorité publique indépendante dotée de la personnalité morale, veille à la protection de
l'épargne investie dans les instruments financiers et tous autres placements donnant lieu à appel public à l'épargne, à l'information
des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés d'instruments financiers. Elle apporte son concours à la régulation de ces
marchés aux échelons européen et international."
L’AMF est souvent surnommé "le gendarme de la Bourse" en référence au pouvoir répressif dont elle dispose. C’est elle qui délivre la plupart des certifications et autorisations pour exercer dans le milieu de la finance. Elle veille, contrôle, et le cas échéant, sanctionne.
Mais elle joue aussi un rôle de diffuseur d’information puisque c’est elle par exemple qui publie tous les franchissement de seuils et
les déclarations d’intentions, qui doivent lui être signalés par les actionnaires concernés.
Elle maintient également à jour une liste noire de brokers illégaux et alerte régulièrement les investisseurs, au travers de campagnes
et de communiqués, sur les risques liés à des démarchages de plateformes de trading illégales (souvent sur le Forex et les options binaires).
Le gendarme boursier s’assure de la transparence des marchés financiers et contribue à les rendre plus efficients.
Rôle et mission de l’ACPR : veiller à la stabilité du système
Ce titre est évidemment un raccourci rapide mais qui donne une vision globale
du domaine de compétence de l’Autorité de Contrôle
Prudentiel et de Résolution (ACPR) et de son positionnement par rapport à l’AMF.
L’ACPR est née par l’ordonnance 2010-76 du 21 janvier 2010 de la fusion de 3 entités :
- la Commission bancaire de l’Autorité de Contrôle des Assurance et des Mutuelles (ACAM)
- le Comité des Entreprises d’Assurance (CEA)
- le Comité des Etablissements de Crédit et des Entreprises d’Investissement (CECEI)
Sa mission principale est définie en ces termes dans l’article Art.L. 612-1.-I du Code monétaire et financier :
"L'Autorité de contrôle prudentiel - ndlr alias l’ACPR -, autorité administrative indépendante, veille à la préservation de la
stabilité du système financier et à la protection des clients, assurés, adhérents et bénéficiaires des personnes soumises à son contrôle."
Cet organe collégial présidé par le Gouverneur de la Banque de France, a notamment en charge de faire respecter les dispositions législatives et réglementaires auxquelles sont soumises les banques et de sanctionner tout manquement avéré. C’est elle qui vérifie aussi leur situation financière et le respect de certains ratios financiers.
Elle délivre aussi certains agréments : pour devenir un établissement de crédit par exemple, il faut passer par l’ACPR. Idem pour émettre de la monnaie électronique ou pour devenir un établissement de paiement, un statut qui permet d’encaisser de l’argent pour compte de tiers.
D’une manière générale l'ACPR s’assure de la sécurité des dépôts du public et d’une bonne gestion du système bancaire. Elle est aussi chargée de veiller au respect de la réglementation relative à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme.
Rôle et mission de TRACFIN : lutter contre l’argent sale
TRACFIN est l’acronyme de "TRAitement du renseignement et action Contre les circuits FINanciers clandestins" (prononcer "traque fine").
C’est un régulateur qui est souvent oublié car il n’est pas aussi populaire que l’AMF ou l’ACPR et pourtant, il contribue activement
à la régulation des marchés financiers.
C’est un service de renseignement rattaché au Ministère des Finances et des Comptes publics. Les missions de TRACFIN sont de lutter
contre les circuits financiers clandestins, le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme.
En clair, une Société de Gestion qui verrait un client lui confier une mallette remplie d’argent aurait par exemple l’obligation de le
déclarer à TRACFIN.
Une plateforme de signalement est à disposition des professionnels qui ont l’obligation de déclarer tout soupçon qu’ils auraient
sur l’origine de fonds, sur la nature de transactions ou même sur l’identité du bénéficiaire effectif.
Des abus de marchés plus ou moins répréhensibles
Ce besoin de régulation est malheureusement né du constat de nombreux délits financiers.
Mais s’il existe une multitude de délits boursiers, il faut savoir que seulement 3 infractions boursières relèvent du pénal :
-
le délit d’initié
La définition d’un délit d’initié et les sanctions sont données par l’Article L465-1du Code monétaire et financier.
La commission de ce délit peut se faire de deux façons :- soit par l’utilisation illicite d'une information privilégiée
- soit par la communication, en connaissance de cause, d’une information privilégiée
On entend par information privilégiée une information à laquelle seuls les initiés ont accès, par exemple le dirigeant de l’entreprise, ses collaborateurs directs, l’expert comptable etc. qui sont tous soumis à une obligation de confidentialité.
Il n’est pas interdit d’être initié. En revanche ce statut entraîne certaines obligations auxquelles il est interdit de déroger, afin que le jeu de la bourse reste équitable pour tout le monde. la manipulation de cours
La définition de la manipulation de cours est donnée par l’Article 631-1 du règlement de l’AMF et regroupe deux comportements :
"1° Le fait d'effectuer des opérations ou d'émettre des ordres :
a) Qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications fausses ou trompeuses sur l'offre, la demande ou le cours (Arrêté du 5 juin 2014) « d'instruments financiers ou le prix ou la valeur de contrats commerciaux » ;
b) Qui fixent, par l'action d'une ou de plusieurs personnes agissant de manière concertée, le cours d'un ou plusieurs instruments financiers (Arrêté du 5 juin 2014) « ou le prix ou la valeur de contrats commerciaux, » à un niveau anormal ou artificiel,
2° Le fait d'effectuer des opérations ou d'émettre des ordres qui recourent à des procédés donnant une image fictive de l'état du marché ou à toute autre forme de tromperie ou d'artifice."Mais comment savoir si un cours est manipulé ?
La finalité des opérations et l’intention du ou des intervenants en jeu sont à prendre en considération pour qualifier de façon certaine le fait délictuel.
Il existe en effet de nombreuses manoeuvres susceptibles de caractériser une manipulation de cours : la pratique des "achetés vendus", le passage d’ordre en rafale et l’annulation de tout ou partie de ces ordres dans un laps de temps très court, les interventions massives sur des titres peu liquides, pour faire décaler le cours, typiquement sur les pennys stocks, les transmissions d’ordres avant le fixing ou au moment du fixing avec des intentions de toucher un certain niveau et d’une manière plus générale, toute intervention sur les marchés ayant pour seul objet l'obtention d'un cours précis. Quel intérêt d’obtenir un cours précis ? Par exemple déclencher des ordres à déclenchement comme les stops de protection, c’est ce qu’on appelle la "chasse aux stops", ou parce que certaines options sont indexées sur ces niveaux et vont perdre de la valeur s’ils sont tapés (cas des barrières désactivantes sur des turbos ou certificats par exemple).la diffusion de fausses informations
L’article 632-1du règlement de l’AMF définit ce délit très précisément :
"Toute personne doit s’abstenir de communiquer, ou de diffuser sciemment, des informations, quel que soit le support utilisé, qui donnent ou sont susceptibles de donner des indications inexactes, imprécises ou trompeuses sur des instruments financiers (Arrêté du 5 juin 2014) « ou sur des produits de base », y compris en répandant des rumeurs ou en diffusant des informations inexactes ou trompeuses, alors que cette personne savait ou aurait dû savoir que les informations étaient inexactes ou trompeuses."
De nos jours la diffusion de fausses informations se fait souvent sur les forums boursiers : une seule et même personne crée plusieurs profils sur différentes sites de bourse et diffuse de fausses rumeurs pour essayer d’influencer les autres membres du site. Ces tentatives de manipulation peuvent se faire aussi bien à la hausse qu’à la baisse. Les personnes qui essaient de dévaloriser un titre en le dénigrant sont appelées des "bashers". Bizarrement il n’y a pas de nom pour ceux qui au contraire essaient de la pousser vers le haut mais la manipulation est tout aussi caractérisée et répond à la même finalité.
Un système de régulation efficace ?
Toutes les dispositions des différents articles de loi qui visent à réguler les marchés s’appliquent lorsque les instruments financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé ou sur un système multilatéral de négociation. Le champ d’application est donc extrêmement vaste.
Les 3 organes de régulation français que sont l’AMF, l’ACP et TRACFIN ne peuvent évidemment pas seuls tout prendre en charge pour
garantir une parfaite efficience de la Bourse de Paris. C’est pourquoi tous les intervenants de marchés, teneur de compte conservateur,
récepteur et transmetteur d’ordre, courtier, etc. ont une obligation de mise en place d’une organisation adéquate de contrôles des
abus de marché ainsi que des procédures de surveillance des comptes.
Ils ont également une obligation de consolider les données pre et post négociation, afin notamment d’assurer une traçabilité des ordres :
qui fait quoi, qui vend/achète quoi et à qui, ou qui fait semblant.
Ils ont enfin l’obligation de déclarer toute opération suspecte auprès des autorités compétentes. La simple suspicion suffit.
Il existe par ailleurs une très forte collaboration entres organes de régulation au niveau international, que ce soit avec la SEC par exemple aux Etats-Unis ou la FCA au Royaume Uni par exemple - split de la FSA en deux entités que sont la Financial Conduct Authority (FCA) et Prudential Regulation Authority (PRA).
Les exemples de condamnations pour des abus de marché ne manquent pas mais il est très difficile de dire dans quelle proportion
ces exemples sont le reflet de la quantité réelle des abus qui sont commis. Il est par ailleurs intéressant de remarquer que
le mécanisme de "transactions homologuées" est utilisé par la commission des sanctions, selon le principe juridique de droit
civil qui prévoit la faculté de transiger et autorise donc les transactions juridiques.
Ce dispositif permet aux fautifs présumés qui sont dans le collimateur des autorités de régulation, d’éviter des poursuites qui
pourraient leur faire perdre leur agrément, en transigeant sur le montant d’une amende, avec l’engagement d’une mise en conformité
sur les points qui ont été levés par les régulateurs.
Les régulateurs des marchés boursiers sont une nécessité absolue pour garantir la transparence et la sécurité des échanges.
La parfaite efficience des marché est certes un idéal vers lequel il faut naturellement tendre, mais dans la réalité, il faut garder à
l’esprit que les marchés ne sont pas efficients et ne le seront jamais.
Toute la régulation au monde n’empêchera pas certains opérateurs de bénéficier d’un avantage technique sur les autres intervenants,
et / ou d’informations privilégiées leur permettant de prendre des positions qu’ils s’efforceront de maquiller avec parfois la
complicité de nombreux acteurs. En matière de fraude, la créativité humaine est sans limite et s’adapte toujours aux nouvelles
réglementations. Le fraudeur poursuit le même but qu’un investisseur lambda : il veut gagner de l’argent. Seuls les moyens dont
il dispose et son sens de l’éthique font la différence.